Par Jacques Baranger, Partner en charge de l’offre Métavers
Ces dernières années, les marques ont déjà exploré de nombreuses pistes d’enrichissement de l’expérience client.
Par exemple, pour rendre « les expériences en ligne plus réelles », les sites de e-commerce ont régulièrement testé l’apport d’une modélisation 3D de leurs produits. Cette manipulation simple de produits, permettant de les visualiser sous toutes les coutures, voire de les configurer en temps réel (couleurs, ou autres options …), a déjà montré un fort impact sur le taux de transformation.
A l’inverse, d’autre pistes ont été explorées pour cette fois-ci venir enrichir le réel avec du virtuel : les marques ont ainsi utilisé la réalité augmentée, pour par exemple afficher des nutri-scores, ou extraire les produits modélisés en 3D, depuis les pages web, et les mettre directement en situation dans les magasins physiques, dans la rue, ou à domicile … visibles à travers la caméra de son smartphone (cf Pokemon Go).
Carrefour, par exemple, a déjà expérimenté il y a plusieurs années ce type d’approche, en animant son catalogue de jouets, ou en permettant de prévisualiser en situation certains jouets volumineux au sein de son salon. Ikea propose le même type d’expérience, pour prévisualiser ses meubles en situation dans son appartement. Amazon, de son côté, propose sur son application mobile, Virtual Try-On for Shoes, d’essayer virtuellement des centaines de modèles de baskets, en les observant à travers son smartphone, telles qu’elles apparaîtraient enfilées à ses pieds. D’autres technologies sont également disponibles, comme des murs de réalité augmentée, que les boutiques physiques installent pour offrir des expériences mixtes à leurs clients.
Plus encore que la réalité virtuelle, les prochaines années vont voir se développer un usage résolument généralisé des expériences en réalité mixte.
Ainsi, certaines projections montrent que, dès 2024, le marché de la réalité augmentée dépassera les 100 milliards de dollars. Dans l’avenir, nous passerons certainement plus de temps, au quotidien, au sein d’une réalité mixte, fusionnant réel et virtuel, que dans des univers full-virtuels. Les marques se doivent donc de tester dès maintenant un maximum d’usages possibles, afin d’être prêtes lors du futur déploiement à grande échelle des technologies adéquates, comme le retour prévisible, de solutions grand public « mains libres », type lunettes ou lentilles connectées.
Certains acteurs se sont déjà très fortement engagés : Over, par exemple, construit une plateforme de réalité augmentée couvrant l’ensemble de la surface de la Terre, divisée en 1600 milliards d’hexagones, et propose à qui veut acheter l’une de ses parcelles, par exemple sur le trottoir d’une rue passante dans Paris, des outils pour élaborer et proposer des expériences de réalité augmentée accessibles à tous ceux qui la traverseraient.
Bien évidemment, les marques explorent également les expériences client en full virtuel, travaillant à la construction d’univers complets, qui peuvent exprimer des identités de marque très élaborées.
Les expériences proposées par ces univers, jouent avec la plupart des fondamentaux du métavers, comme la persistance, les interactions par avatars interposées, le partage et la co-création, etc … Nike, par exemple, propose un lieu persistant, Nikeland, qui permet à ses clients, à travers leurs avatars, de jouer à différents jeux sportifs, de créer eux-mêmes de nouveaux jeux, et d’acheter des baskets numériques ... A travers ces univers, les marques disposent de fabuleux terrains de création de véritables liens émotionnels avec leurs clients : Ralph Lauren, par exemple, s’est mis en scène dans un univers élaboré de sports d’hiver et de montagne, proposant des activités adaptées, type patin à glace, ou encore de composition de son propre chocolat chaud, pour le déguster en bavardant au coin du feu …
Le positionnement des marques peut également s’exprimer dans le choix des plateformes pour implanter leur univers, en choisissant soit de s’implanter dans des métavers existants, soit dans des univers qui leur soient propres, comme Sephora. Enfin, ces univers virtuels peuvent également se coupler avec les univers physiques des marques : Nike, dans Roblox, permet aux visiteurs numériques de Nikeland, d’y acheter des baskets physiques, qui leur seront expédiées à leur domicile réel ; l’expérience virtuelle proposée par Leader Price dans The SandBox, permet au visiteur de gagner des bons d’achats utilisables dans les magasins physiques de la marque, etc ...
Pour des raisons d’apprentissage ou de cible client, certaines marques peuvent choisir d’appréhender les magasins ou agences virtuelles de manière plus graduée.
Elles peuvent commencer par exemple par mettre à disposition de leurs clients de simples univers 3D, à visiter, donnant accès à des représentations photo de leurs produits physiques, et à des informations type web 2.0, et donnent accès aux processus de commande. Ces magasins dits « 3D photo », ou « showrooms virtuels », ou encore « agences virtuelles » proviennent d’une capture photographique à 360° d’un magasin réel, plaquée sur un modèle 3D, qui permet au visiteur en ligne, de se déplacer à l’intérieur du modèle par positionnement successifs. Lorsque le client passe devant des spots préparés à l’avance, par exemple en liaison avec un produit, il peut cliquer dessus, ce qui déclenche l’affichage de fenêtres d’informations en popup. Le client dispose alors de la même information que celle disponible sur le site de e-commerce de la marque, et peut également basculer sur le système de commande du produit.
Beaucoup de marques, que ce soit dans le luxe, mais également dans l’habillement, l’automobile, … ou même des fabricants historiques de guitare comme Gibson, utilisent déjà ce type de magasins « 3D photo », ou « showrooms virtuels ».
Les solutions industrielles sont déjà là.
Pour construire, puis gérer ces magasins ou agences « 3D Photo », les marques disposent aujourd’hui de solutions qui permettent de facilement réaliser des captures 360° d’un magasin ou d’une agence réelle, puis de produire un modèle 3D avec l’ensemble des fonctionnalités nécessaires. Ces plateformes sont suffisamment simples d’utilisation pour par exemple permettre de créer des sites 3D en association avec des événements physiques limités dans le temps à l'image des « magasins éphémères » présents dans certaines campagnes marketing.
Ces solutions 3D de premier niveau, offrent également de nombreuses fonctionnalités, autour de la gestion des informations produit, de la connexion avec les fonctionnalités du site de e-commerce pour par exemple la commande ou le paiement, et évidement, autour des statistiques des visites. Enfin, pour les grands groupes, certaines de ces solutions, proposent aujourd’hui des fonctionnalités plus industrielles de gestion centralisée d’un grand nombre de magasins ou d’agences.
Pour rendre l’expérience en ligne toujours plus réelle, il faut cependant des visites virtuelles avec toujours plus d’interactions.
Pour aller plus loin dans l’interaction, les marques doivent passer d’une 3D photo, à de véritables magasins en 3D, accueillant des produits eux-mêmes en 3D, manipulables et que l’on peut regarder sous toutes les coutures … Ici les clients s’incarnent dans des avatars, discutent avec des avatars de vendeurs, qu’ils soient le reflet de véritables vendeurs ou guidés par des intelligences artificielles, voire partagent leur visite avec d’autres clients évoluant avec leurs propres avatars. Dans ce cas, certaines marques utilisent ces lieux full 3D, pour organiser de véritables ventes privées, en invitant au même moment que quelques clients privilégiés.
Face à la fusion des univers réels et virtuels, les marques doivent également repenser leurs catalogues produits.
Ces dernières années, certaines marques se sont déjà directement créées dans le métavers : The Fabricant, est ainsi un créateur de mode purement numérique. Les marques historiques du monde réel doivent donc réfléchir à cette reconfiguration du marché : se positionner sur des produits numériques ? Rester sur des produits physiques, mais les vendre depuis le virtuel ? Créer des produits mixtes, reliant des collections numériques et des collections physiques ? etc … Les clients de Decathlon, par exemple, ayant acheté une paire de baskets de la marque Barrio, en ont également reçu une version numérique.
Pour conclure, il devient essentiel de proposer de nouvelles expériences client, à travers la réalité mixte, ou des univers virtuels, qu’ils soient de simples show rooms, ou des magasins full 3D, des univers complets de marques dans des métavers existants ou dans des univers propres, en adaptant ou pas le catalogues produit … les marques font face aujourd’hui à de nombreux nouveaux usages ou comportements, qu’il est essentiel d’appréhender dès maintenant : les évolutions technologiques des prochaines années ne pourront en effet qu’accélérer un mouvement pourtant déjà fortement engagé.
Prochain article – le métavers au service des évolutions des méthodes de travail