Par Gabriel Raymondjean, Directeur de Talan Opérations
La RPA intéresse ; un marché de 1,3 milliards de dollars en 2019 selon le Gartner, une croissance de l’ordre de 70%, des plateformes d’automatisation affichant des ambitions très audacieuses…Cependant, avec pratiquement 3 ans de recul, les retours d’expériences sur la mise en place de la RPA révèlent un tableau beaucoup plus mitigé. A côté de succès de grande ampleur, certaines voix regrettent que les gains ne soient pas au rendez-vous, ou pire, qu'ils s’étiolent à mesure que les coûts de maintenance s’accroissent.
Pourtant, avec l’expérience, nous avons la conviction que la RPA peut être déployée à grande échelle et améliorer durablement l’efficience des processus, à condition de s’inspirer de bonnes pratiques. Voyons lesquelles.
#1. Le préalable : se convaincre qu’en général, la RPA a moins à voir avec des Macro « plus plus » qu’avec un langage de programmation, comme C# ou Java.
Ainsi, qui veut coder ses robots à la va-vite et sans méthode, s’expose classiquement aux problèmes de maintenance et d’intégration avec les autres systèmes du panorama SI. Le parallèle peut se poursuivre : les bonnes pratiques et notions clés du développement informatique, telles que le Clean code, la modularité, le DevOps, l’intégration continue etc. s’appliquent avec profit à la RPA, moyennant un effort pour les transposer vers un langage qui est par nature plus abstrait que Java ou C# et fonctionnant le plus souvent sur des plateformes telles que UIPATH.
#2. Se donner les moyens de descendre la courbe d’expérience.
Une concession : la courbe d’expérience de la RPA est forte.
En premier lieu, robotiser un processus avec succès demande de combiner des compétences selon plusieurs dimensions : (1) connaître les métiers, leurs processus et exceptions, (2) connaître le panorama SI dans lequel le robot doit s’intégrer, ses imperfections et sa trajectoire d’évolution, (3) abstraire, c’est à dire modéliser les processus, en tenant compte d’une part des possibilités offertes par la RPA, mais aussi des interactions entre systèmes d’informations et entre humains.
Face à un contexte aussi riche et divers, la courbe d’expérience est faite d’un savoir-faire d’exécution, de tactiques qui marchent mieux. Quelques exemples : quelles exceptions faut-il intégrer au robot ou au contraire laisser à un travail humain ? Quel « style » d’interaction homme-machine est plus facile à assimiler pour nos utilisateurs ? Comment écrire dans telle base de manière propre ? ... Ces heuristiques, encore une fois spécifiques à chaque entreprise / métier, sont le capital à accumuler pour descendre la courbe d’expérience.
#3. Un centre de compétences pour accumuler et maitriser ce capital
Seulement, ce capital ne peut être constitué si l’on se limite à des Proof of Concept ou des automatisations ponctuelles de processus. Il ne peut également pas être détenu par un « sachant » unique sans risque pour l’entreprise. C’est pourquoi, un centre de compétences nous parait être la structure adaptée à la mise en place de RPA à échelle industrielle. En voici les avantages : (1) il permet d’accumuler les heuristiques, de s’assurer d’une cohérence dans les approches employées sur les différents robots et dans la manière d’aborder les différents systèmes d’information ; (2) il permet de mettre en œuvre les bonnes pratiques logicielles à une échelle industrielle, donc d’assurer un niveau de qualité logicielle suffisant pour une bonne vie en exploitation des robots ; (3) il consolide les activités de support par une homogénéisation des pratiques et en offrant la continuité de service indispensable à la prise en compte de chaînes opérationnelles cœur de métier ; (4) Enfin, il évite de faire reposer la connaissance des modèles sur une seule personne, ce qui conforte la pérennité des robots dans la durée. Au total, la combinaison de ces caractéristiques permet d’améliorer le niveau de stabilité des robots et de minimiser les coûts associés à leur maintenance et leur évolution, donc de tirer des bénéfices durables de la mise en place de la RPA.
#4. Des rôles propres à la RPA pour ce centre de compétences
De tels centres de compétence mettent en scène des rôles clés d’une nature particulière. Le premier d’entre eux pourrait être nommé « process owner » par analogie avec les product owners du monde de l’Agile. Celui-ci cherche à tout moment à maximiser la valeur d’un processus et s’assurer de son bon fonctionnement au quotidien en prévoyant les évolutions fonctionnelles et maitrisant la dette technique. Dans un dialogue permanent avec les métiers, il sait capter les pratiques générales et les exceptions et les modéliser. Poursuivons le parallélisme avec l’Agile. En tant qu’éléments clés des centres de compétences RPA, les process owners interviennent activement dans la refonte des activités quotidiennes des métiers concernés ouvrant la voie à un recentrage des activités humaines sur les activités à plus forte valeur ajoutée.
D’autres rôles analogues à ceux de l’Agile peuplent les centres de compétences RPA. Les process owners travaillent de concert avec l’équivalent de feature teams, équipes qui concentrent la capacité de réalisation et l’expertise technique (ici les méthodes de codage en RPA). Des « Lead tech » assurent la cohérence des choix et techniques entre les feature teams, en tenant compte du panorama SI dans lequel les robots viennent s’imbriquer.
On l’aura compris, le succès du RPA repose sur la capacité à mettre en œuvre une organisation à la mesure des enjeux, avec des rôles et méthodes adaptées et en prise aussi bien avec les métiers que les fonctions SI. Cet investissement est payant. Mieux il ouvre l’accès à tout un champ d’applications qui permettent de saisir une part importante des bénéfices du digital et préparent le terrain pour les apports de l’intelligence artificielle qui ne manqueront pas d’advenir.