Ils s’appuyaient sur les mêmes sources de revenus (marges d’intermédiation, commissions et opérations financières) et avaient des structures de coûts proches.
Cependant, l'évolution récente du paysage financier a contraint les institutions à reconsidérer leur approche traditionnelle. Cette évolution est marquée par plusieurs tendances significatives :
- un ralentissement de la croissance des revenus, dû notamment à la volatilité des taux,
- l’arrivée sur le marché d'acteurs alternatifs proposant des offres plus attractives exerçants ainsi plus de pression sur les commissions,
- une hausse mécanique des charges opérationnelles résultant des tendances inflationnistes.
Pour répondre au mieux à ses deux axes d’optimisation, nous avons identifié deux tendances qui se sont accélérées ces dernières années. D’une part, la mise en œuvre des stratégies d’arbitrages d’externalisation sur les principaux centres de coûts et investissements lourds. D’autre part, la rentabilisation des actifs à travers la mutualisation des investissements lourds ou l’absorption de certaines activités avec d’autres acteurs financiers, tels que certaines composantes des socles technologiques, les back-offices ou les centres de services.
Dans cet article, nous allons explorer, les défis et les opportunités liés aux deux approches ainsi que les risques associés.
Comment réussir à rentabiliser les actifs existants, tels que les infrastructures technologiques et les centres de traitement des opérations ?
Face à cette situation, les acteurs du secteur bancaire doivent repenser leur stratégie et leur modèle économique en agissant sur leurs principaux centres de coûts et en explorant de nouvelles pistes de rentabilité.
Deux questions se posent ainsi désormais aux institutions financières :
- Quels sont les leviers à actionner pour réduire les charges et les coûts tout en maintenant la qualité de service et en assurant la conformité réglementaire ?
- Comment réussir à rentabiliser les actifs existants, tels que les infrastructures technologiques et les centres de traitement des opérations ?
Pour répondre au mieux à ses deux axes d’optimisation, nous avons identifié deux tendances qui se sont accélérées ces dernières années. D’une part, la mise en œuvre des stratégies d’arbitrages d’externalisation sur les principaux centres de coûts et investissements lourds. D’autre part, la rentabilisation des actifs à travers la mutualisation des investissements lourds ou l’absorption de certaines activités avec d’autres acteurs financiers, tels que certaines composantes des socles technologiques, les back-offices ou les centres de services.
Dans cet article, nous allons explorer, les défis et les opportunités liés aux deux approches ainsi que les risques associés.
Make or Buy :
L’enjeu de la rentabilité des produits et des services bancaires a profondément transformé les processus décisionnels au sein des banques. Ces derniers sont désormais confrontés à un équilibre délicat entre les revenus générés par les clients et les charges associées aux prestations de services.
Cette nouvelle dynamique a accentué la réflexion sur les stratégies d’externalisation, notamment celle consistant à déterminer ce qui est le plus rentable :
- maintenir les activités en interne « Make » et supporter les charges directes et indirectes qui en découlent,
- ou bien externaliser ces activités « Buy » et ne supporter que le coût direct du service.
Les principaux cas d'usages recensés ont mis en lumière des partis pris assez forts en termes d’externalisation notamment concernant certaines activités de back-offices et de gestion de la relation clients. Dans ces domaines, les banques ont opté pour une externalisation, soit complète, soit partielle, en faisant appel à des acteurs spécialisés ayant développé une expertise dans ces domaines. Cette décision, prise pour des raisons économiques, a permis aux banques de se recentrer sur les activités à plus forte valeur ajoutée, tout en bénéficiant des avantages offerts par des partenaires spécialisés, en termes de flexibilité, de mutualisation dans le cadre de l’amélioration des processus et des outils de traitement et d’amélioration de la qualité de services.
D’autres cas d’usage émergent depuis peu concernant notamment l’externalisation de certaines activités de gestion des risques et de conformité parmi lesquelles nous pouvons citer les activités de gestion des risques opérationnels et de contrôle permanent en tant que 2ème ligne de défense ou bien les activités de KYC (Know Your Customer) que cela concerne les processus d’entrée en relation ou les processus de révision et de remédiation et ce pour toutes les typologies de clients (Particuliers, Pro, Associations ou entreprises).
Pour ces externalisations, l’usage de la technologie est de plus prégnant dans un modèle hybride mixant digitalisation et externalisation. L’usage de l’IA et de la data est ainsi clé pour permettre de collecter, de vérifier des données et d’automatiser une bonne partie des traitements qui sont ensuite complétés en manuel.
Cependant, cette transition n'est pas exempte de défis. Les banques doivent notamment veiller à maintenir un contrôle efficace sur la qualité des activités externalisées, à garantir la sécurité des données et à assurer la conformité réglementaire, les banques demeurant responsables vis-à-vis des régulateurs. La réglementation en vigueur depuis juillet 2019 (Guidelines de l’EBA sur l’outsourcing) impose un cadre strict aux banques et institutions financières en matière de sélection, de contractualisation, de pilotage et de contrôle des prestations externalisées.
De plus, elles doivent mettre en place des mécanismes de gouvernance robustes pour gérer la relation avec leurs prestataires externes et s'assurer que les objectifs de performance sont atteints.
En conclusion, le choix entre internalisation et externalisation des activités opérationnelles représente un enjeu stratégique majeur pour les banques, dans un contexte de recherche constante d'efficacité et de rentabilité.
En évaluant attentivement les avantages et les inconvénients de chaque approche et en prenant en compte les spécificités de leur modèle d'affaires et de leur environnement concurrentiel, les banques prendront des décisions éclairées qui renforceront leur positionnement sur le marché et leur capacité à créer de la valeur pour leurs actionnaires et leurs clients.
Illustration 1 HSBC : externalisation :
HSBC, l'une des plus grandes banques au monde, a adopté une stratégie d'externalisation de ses back-offices dans le cadre de son programme de transformation et d'optimisation des coûts. En 2017, HSBC a annoncé son intention de transférer environ 2 000 emplois de ses centres de traitement des opérations en Europe vers des prestataires de services externes, dans le cadre de son plan visant à réaliser des économies de coûts de plusieurs milliards de dollars. Cette décision a été prise afin de rationaliser les opérations, de réduire les coûts et d'améliorer l'efficacité opérationnelle de la banque. En externalisant certaines fonctions de back-office, HSBC a pu se concentrer davantage sur ses activités principales et sur la fourniture de services à plus forte valeur ajoutée à ses clients.
Illustration 2 Barclays : externalisation :
En 2023, une grande banque française a pris la décision d'externaliser l'intégralité de son processus de révision KYC pour sa clientèle professionnelle, associative et d'entreprise. Cette décision a été prise en raison d'un faible taux de révision et d'un taux de conformité inférieur aux normes du marché. Pour ce faire, la banque s'est appuyée sur un prestataire qui lui a proposé un modèle hybride utilisant une solution de données et d'IA pour rechercher et collecter les informations manquantes avant d'externaliser les traitements via une plateforme d'appels et de traitement de la révision. Cette solution a permis non seulement d'améliorer la productivité et la conformité, mais aussi de libérer du temps pour les chargés de clientèle
Stratégie de rentabilisation des actifs :
Dans un paysage bancaire en constante évolution, les banques rivalisent pour rester à la pointe de la technologie, motivées par diverses aspirations :
- offrir à leur clientèle une expérience digitale novatrice, à l'instar des acteurs émergents du marché,
- accroître l'efficacité et limiter les risques opérationnels à travers l’automatisation,
- faire face aux nouveaux défis cybernétiques imposés par les nouveaux usages.
- Parallèlement, elles se disputent le privilège d'avoir la relation client la plus irréprochable.
Ces objectifs se traduisent par un alourdissement des charges avec des investissements conséquents que ce soit dans le socle technologique ou dans le développement des back-offices
Pour y faire face, et rentabiliser davantage ces investissements massifs, certaines banques ont exploré des pistes de mutualisation axées sur la technologie à travers notamment : *
- la gestion de certaines activités ou services IT avec d’autres acteurs de la place,
- la commercialisation d’un ou plusieurs capitaux digitaux en marque blanche,
- ou par la mise à disposition de solutions clé en main telles que des plateformes digitales, permettant à leurs partenaires d’accéder à des technologies avancées sans les coûts de développement associés,
- voire même la création de filiales spécialisées dans des lignes métier spécifiques telles que la cybersécurité pour gérer en plus de ses besoins, ceux d’autres acteurs financiers.
Ces pistes de mutualisation ont été aussi exploré dans le cadre des back offices, et ce à travers l’absorption d’une partie ou de la totalité du volume opératoire des back offices d’autres banques concurrentes
Illustration 1 BNP Paribas Securities Services : gestion de certaines activités ou services IT :
BNP Paribas Securities Services, une division de BNP Paribas spécialisée dans les services de garde, de compensation et de gestion d'actifs. Cette division fournit des services informatiques et opérationnels à d'autres institutions financières, notamment des banques, des gestionnaires d'actifs et des sociétés de courtage. En agissant en tant que prestataire de services, BNP Paribas Securities Services gère une gamme de services informatiques pour ses clients, y compris la gestion des données, le traitement des transactions et la conformité réglementaire. Cette approche permet à BNP Paribas Securities Services de tirer parti de ses compétences technologiques et opérationnelles pour générer des revenus supplémentaires tout en offrant des solutions efficaces à ses clients du secteur financier.
Illustration 2 BBVA : Commercialisation des plateformes en marque blanche :
BBVA, une banque espagnole, qui a lancé sa plateforme de banque en ligne "Open Platform" en marque blanche. Cette plateforme permet à d'autres institutions financières de bénéficier des technologies et des services développés par BBVA, tels que les services bancaires numériques et les solutions de paiement, sans avoir à développer leurs propres infrastructures. De cette manière, BBVA a réussi à étendre sa portée et à générer des revenus supplémentaires grâce à la commercialisation de ses actifs technologiques.
Illustration 3 JP Morgan Chase : Création de filiales spécialisées dans la cybersécurité :
P Morgan Chase, une grande banque américaine, qui a créé une filiale spécialisée dans la cybersécurité appelée "Chase Security Solutions". Cette filiale offre des services de sécurité informatique non seulement à JP Morgan Chase elle-même, mais aussi à d'autres institutions financières qui cherchent à renforcer leur posture de sécurité. En proposant ces services à des tiers, JP Morgan Chase parvient à rentabiliser ses investissements dans la cybersécurité tout en contribuant à améliorer la sécurité globale du secteur financier.
Illustration 4 ING et State : Absorption des opérations des back-offices d'autres banques :
En 2018, Crédit Suisse a annoncé un accord avec ING Group pour externaliser une partie de ses opérations de back-office liées à la gestion de portefeuille et à la conservation des titres. Dans le cadre de cet accord, ING Group a accepté de prendre en charge une partie des opérations de back-office de Crédit Suisse, notamment le traitement des transactions et la gestion des données. Cette décision a permis à Crédit Suisse de rationaliser ses coûts et d'améliorer son efficacité opérationnelle en s'appuyant sur l'expertise et l'infrastructure d'ING Group dans ce domaine. De son côté, ING Group a pu diversifier ses activités et renforcer ses sources de revenus en fournissant des services de back-office à une autre institution financière de renom. Ainsi, cet accord a bénéficié aux deux parties en leur permettant de tirer parti des avantages de l'externalisation des opérations de back-office.
Conclusion :
En conclusion, bien que les stratégies d'externalisation et de mutualisation offrent des avantages substantiels en matière de réduction des coûts et d'efficacité opérationnelle notamment quand elles sont combinées à de la digitalisation, elles comportent également des risques importants pour les banques.
S’agissant du recours à l’externalisation, la perte de contrôle sur les opérations critiques, la vulnérabilité accrue aux cybermenaces et les défis liés à la conformité réglementaire sont autant de facteurs à prendre en considération en plus des risques liés à la dépendance envers des tiers.
C’est pourquoi les banques doivent maintenir une gouvernance rigoureuse et des mécanismes de contrôle solides lorsqu'elles externalisent leurs opérations et ainsi atténuer les risques associés.
Enfin, la mutualisation des activités bancaires peut offrir des opportunités de rationalisation des processus, d'optimisation des ressources et d'amélioration de l'efficacité, mais elle implique également des risques significatifs qui doivent être anticipés et gérés. Les banques doivent ainsi veiller :
- à la confidentialité et la sécurité des données personnelles et sensibles de leurs clients, conformément aux réglementations en vigueur,
- à la qualité et à la continuité des services qu'elles offrent à leurs clients, en disposant de plans de secours en cas de défaillance ou de dysfonctionnement,
- à une gestion saine pour éviter que la mutualisation des activités bancaires ne crée des situations de conflit d'intérêts ou de concurrence déloyale entre elles
- et enfin au respect du cadre juridique en se conformant aux exigences légales et réglementaires applicables à leurs activités, tant au niveau national qu'européen, et assurant un contrôle et une supervision adéquats des activités externalisées ou mutualisées.
Rédacteurs :
TAOUFIK MEGZARI, Directeur - Consulting & Innovation Banque & Finance
MEHDI BEJAOUI, Consultant sénior - Consulting & Innovation Banque & Finance