Depuis plus de trente ans, et plus encore ces dernières années , l’innovation technologique est une lame de fond qui transforme en profondeur la fonction RH1. Ses métiers et son organisation s’en trouvent fortement impactés. Face à ces enjeux, la clé de la réussite est une conduite du changement adaptée et prospective. C’est d’ailleurs ce que souligne la récente étude du Gartner « Top 3 priorities for HR leaders in 2021 ». Publiée fin octobre 2020, elle place le design organisationnel et la conduite du changement parmi les 3 priorités des dirigeants RH pour l’année à venir.
L’innovation au service des RH
Le développement de nouvelles solutions SI permet aux RH d’améliorer leurs performances et de transformer les métiers en profondeur. Elles peuvent par exemple permettre d’automatiser des tâches, en effectuant par exemple le pré-remplissage automatique de documents administratifs grâce à la RPA (Robotic Process Automation). Résultat : un gain de temps pour les gestionnaires RH.
Autre exemple : l’association du big data et de l’intelligence artificielle qui crée une richesse de services et pourrait faciliter le traitement administratif, le process de recrutement et les offres de formation. C’est d’ailleurs déjà ce que permettent de faire des chatbot RH, agent virtuel disponible 24h/24, 7j/7, qui répond aux questions de manière personnalisée. Une question sur votre retraite ? Sur les modalités de demande de congés ? Le chatbot peut y répondre en fonction du parcours d’utilisation, mais aussi de la direction/entité de l’utilisateur. Si cette innovation est encore récente et peu déployée aux départements RH des entreprises, les bénéfices des chatbots en général sont déjà largement reconnus, notamment par les utilisateurs de sites e-commerce ou services BtoC. Par exemple, le service « mon timbre en ligne » de La Poste est aujourd’hui guidé par son chatbot.
Plus de simplicité et d’efficacité, moins de tâches répétitives : les métiers RH sont-ils les grands gagnants de la transformation des entreprises et des collectivités ?
Pas si simple : en réalité, les métiers de gestionnaire administratif, de paie et de chargés de recrutement sont sous tensions aujourd’hui et vivent des difficultés2.
On note tout particulièrement des difficultés d’adaptation au changement, mais aussi une perte de sens face à l’exigence d’adaptation aux innovations technologiques, ce qui ne va pas sans parfois générer des craintes, l’une de celles-ci étant la perte d’emploi.
Clé de la réussite : une conduite du changement adaptée et prospective
Le changement des métiers RH a un impact sur le sens et leur mission et services. Dans ce contexte : comment rassurer, mobiliser et donner du sens aux RH ? Hier une grande partie des ressources étaient orientées sur des tâches administratives de support. Demain, ils pourront se concentrer sur d'autres sujets, mais lesquels ? En en tant qu’individu, quelle place je prends dans ce changement ?
L’écueil à éviter serait d’accompagner uniquement les changements d’outils et méthodes de travail, sans questionner aussi le sens du métier RH. Celui-ci est à construire collectivement, et la conduite du changement peut jouer un rôle de facilitation dans cette construction. Comment ? Par exemple, en intégrant toutes les parties prenantes dans une réflexion collective permettant de construire ces nouveaux rôles.
Une approche intégrée de conduite de ces changements avec une dimension prospective, plaçant l’innovation et l’humain au cœur de la transformation est, dans cette perspective, un facteur clé de succès.
C’est ce qu’a compris l’entreprise Unilever France : pour s'assurer que sa nouvelle plateforme RH répondrait aux attentes de ses 2.200 collaborateurs (aussi bien ceux du siège que ceux des usines), l’entreprise a conçu et développé une stratégie de conduite du changement dès le début du projet. Cette démarche a permis de prendre en compte l’hétérogénéité des contextes métiers des 2200 collaborateurs de l’entreprise.
Ce dispositif qui a permis d’intégrer les utilisateurs (gestionnaires RH), de leur donner la parole, de les informer, de les former et de les accompagner vers de nouveaux métiers. Résultat : une adhésion généralisée et l’émergence de nouveaux rôles RH, par exemple, celui de « data specialist » qui analyse les données RH, ou de « People Partner » qui accompagne les réorganisations d’équipe et les démarches de mobilité.
A contrario, l’une des causes d’échec du projet SIRH « Sirhen » de l’éducation nationale, pointé du doigt par la cour des comptes, est le manque de prise en compte des observations remontées par les utilisateurs. Débuté en 2007 et arrêté en 2018, le projet a couté 400 millions d’euros, les dérapages liés au pilotage du projet ont été pointés par la Cour des Comptes, qui recommande notamment de « remobiliser par une communication large et réactive l’ensemble des acteurs et utilisateurs ».
Pour éviter cet écueil, une conduite du changement globale, adaptée et prospective est un atout majeur : adaptée et proposant un accompagnement personnalisé des métiers RH. Prospective, en facilitant la construction et l’appropriation d’une vision stratégique et d’une direction commune à construire.
Autre sources :
1. Transformation digitale de la fonction RH (2019), Emmanuel Baudoin, Caroline Diard, Myriam Benabid, Karim Cherif
2. Transformation de la fonction RH Panorama et perspectives, DGAFP