Par Jacques Baranger, Partner en charge de l’offre Métavers
Alors que la génération des « métavers natives » ne regardent pas la télévision ou ne sont plus présents sur les réseaux sociaux classiques, les univers qu’ils fréquentent sont devenus de fabuleux vecteurs pour un marketing innovant, s’appuyant sur les codes de cette nouvelle génération.
Pour les marques aujourd’hui, il s’agit d’aller chercher les métavers natives là où ils sont : dans les jeux persistants comme Fortnite ou Roblox, dans les crypto mondes type The SandBox ou Decentraland, auprès d’influenceurs en liaison avec ces univers, etc …
Plusieurs campagnes créatives y ont déjà eu lieu : Louis Vuitton qui s’associe à Riot Games lors des finales des Worlds de League Of Legends pour créer des Skins prestiges (apparence des champions) réalisés par le styliste Nicolas Ghesquière ; la Fondation Yves Rocher qui lance, en partenariat avec Microsoft, un univers dédié dans Minecraft, #PLANTFORLIFE, pour jouer avec le concept de « plante un arbre dans MinCraft, Yves Rocher en plante un en physique ». Ou enfin, quand Oasis couple une campagne télévisuelle classique, avec le développement d’un tournoi au sein du jeu Fortnite, mettant en scène le même univers graphique que dans la publicité TV : « CatchTheOasis ».
Mais ces campagnes créatives ne sont qu’une petite part de ce que le métavers peut apporter au marketing des entreprises. Elles doivent notamment apprivoiser les NFTs (Non Fungible Tokens), en dépasser la dimension spéculative, pour les transformer en un nouvel outil d’engagement client, puissant et en phase avec notre époque.
Les NFTs ont cette particularité de permettre de créer des séries au sein desquelles un objet numérique ou une combinaison d’objets numériques (œuvre d’art, son, animation, carte type panini, …) est unique, et sa propriété garantie par une blockchain. On les connaît d’abord pour avoir été associés à des accessoires (wearables) que l’on peut acheter dans les jeux vidéo ou les crypto mondes, pour personnaliser son avatar, avec un prix fonction de leur rareté. Rien d’étonnant donc que les marques de l’habillement, de baskets, voire du luxe, aient exploité les premières cette opportunité de mettre en avant leurs produits auprès d’un jeune public, rompu à ces usages. Ainsi, la marque de vêtements GAP a présenté dès janvier dernier sa première collection NFT, en collaboration avec l’artiste Brandon Sines. Gucci, très active sur les métavers et les NFTs s’est alliée au rappeur Snoopdog dans The Sandbox lorsque celui-ci a créé, en février 2022, une série de 10.000 Doggies (avatars animés) à son effigie, dont certains habillés aux couleurs de la marque.
L’explosion médiatique récente mettant en avant certains excès spéculatifs autour des NFTs, et notamment dans le monde de l’art, ne doit cependant pas en cacher tout le potentiel pour le marketing des entreprises.
Les campagnes NFT permettent des mécaniques d’une très grande efficacité pour créer, puis d’animer autant de communautés clients que souhaité, que ce soit autour de la marque elle-même, de nouvelles lignes de produits, de l’organisation d’événements, etc..
Lors d’une campagne NFT, les acheteurs deviennent propriétaires d’un objet numérique unique, qu’ils peuvent bien entendu revendre dans une vision spéculative, mais qui donne également accès à une communauté dédiée, ainsi qu’à des avantages spécifiques : par exemple rencontrer des personnalités de la marque, accéder à des événements ou des salons VIP en physique, à des univers réservés, etc … Les propriétaires de Pandas Dynasty, par exemple, ont accès à un jeu vidéo de chasse au trésor, uniquement réservée à la communauté ; les propriétaires des NFTs Barrio de Decathlon, ont accès, de leur côté, à des expériences particulières avec le champion du monde de football freestyle Séan Garnier, etc … Pour les marques, les NFTs sont donc l’occasion de multiplier des communautés client plus ciblées encore qu’aujourd’hui, de pouvoir créer et animer une interaction forte avec et au sein de ces communautés (ex : avec des outils issus du monde du jeu, comme Discord), de proposer des mécanismes de cocréation et de reconnaissance de l’implication des membres de la communauté … et en définitive, de renforcer le lien émotionnel entre les marques et leurs clients.
Pour les marques, les NFTs vont devenir un vecteur de ce qui constitue l’un des pivots de l’évolution métavers en cours : la fusion des univers réels et virtuels. Pourquoi, par exemple, ne pas imaginer que, demain, un NFT sera associé à chaque produit physique, ouvrant la voie à un potentiel encore inimaginable en termes de développement de nouvelles expériences client mixtes réel / virtuel.
Dans une boucle du numérique vers le physique, certains proposent déjà de fabriquer une version réelle des paires de baskets achetées sous forme numérique. A l’inverse, les NFTs Decathlon Kipsta Barrio n’ont été accessibles qu’à travers l’achat d’une paire de baskets physiques du modèle Kipsta Barrio, ou encore, l’attribution des premiers NFTs Kenzo a été réalisée par tirage au sort au sein d’une liste de candidats ayant pu apporter au moins une preuve d’achat d’une des pièces de la collection physique Boke Flower. Enfin, dans une boucle de retour, cette fois-ci du réel vers le virtuel, les acheteurs des baskets physiques Kipsta Barrio ont reçu leur paire en version numérique 3D.
Les premières campagnes NFT ciblaient bien évidement les « métavers natives ». Pour en exploiter tout le potentiel d’engagement, les marques doivent cependant réussir à les généraliser à d’autres segments de clientèle.
Monoprix, par exemple, en lançant sa collection de NFTs, y a associé toute une démarche grand public et ludique à travers un site web « mode d’emploi » dédié, qui guide un acheteur qui ne serait pas métavers native, au travers des différentes étapes par lesquelles passer pour acheter et revendre des NFTs. Adidas accueille également une page « metaverse » sur son site, qui comprend un guide à l’usage des néophytes du NFT.
Au-delà des campagnes créatives et des NFTs, le métavers offre la possibilité au marketing de créer des lieux d’information et d’échanges, ciblés ou généralisés, dans des métavers existants ou dans des univers dédiés, construits pour la marque.
Ces lieux, dits « bac à sable » ou « persistants », c’est-à-dire qui existent avant et continuent à exister après le passage des visiteurs, créent les conditions d’une participation active (ex : des quêtes, des jeux, etc …), ou d’échanges (ex : avec des vendeurs). Ils peuvent être totalement ouverts, ou être utilisés pour créer des moments privilégiés type « ventes privées ». Certaines marques du luxe, par exemple, utilisent ainsi des magasins full 3D, pour rassembler quelques clients ou partenaires autour d’événements privilégiés (lancements de collection, etc …). De son côté, l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a organisé une campagne ouverte de sensibilisation des jeunes aux métiers de la rénovation énergétique, en proposant un lieu d’interaction dans le métavers Minecraft …
Comme on le voit, le métavers se révèle un outil très puissant au service du marketing des entreprises, adapté aux usages d’aujourd’hui, dont on est encore loin d’avoir exploré tout le potentiel.
Prochain article – Le métavers, support aux nouvelles méthodes de travail